Ce n’est pas tant l’empreinte carbone qui choque, l’aberration est spirituelle.
Sur les rives du golfe, dans la capitale de la démesure, une station de sports d’hiver d’intérieur de 2,3 hectares a ouvert en 2005. Elle comprend 5 pistes de ski climatisées de déclinaison différente, une piste de bobsleigh, un snow park, une aire de jeux, de la restauration et même…des manchots gentoos à demeure, déportés de leur terre d’origine, l’Antarctique.

Dehors, la température oscille entre 25°c en hiver et 45°c en été.
Chaque nuit, 25 tonnes de neige fraîche sont produites pour maintenir les attractions en l’état. La température intérieure est maintenue entre -2 et -1°.
Comble de la tristesse, ces manchots sont faits pour vivre dans un environnement maritime et peuvent nager jusqu’à 35km/h : https://www.nationalgeographic.fr/thematique/sujet/animaux/oiseaux/oiseaux-de-mer/manchots
Ski Dubai fait partie intégrante d’un immense centre commercial, le Mall of the Emirates qui figure parmi les 10 plus grands centres commerciaux du monde, avec 223 000 m2 de surface commerciale. Il héberge un hypermarché Carrefour et près de 800 boutiques représentant la plupart des marques internationales : https://thedubaimall.com/.

🌡️ Un problème d’émissions carbone ?
La déformation contemporaine qui consiste à tout mesurer à l’aune de l’empreinte carbone présente des limites dans le cas présent. Les émissions d’équivalent CO2 de Ski Dubai représentent 7 701 tonnes par an pour une fréquentation annuelle d’un million de visiteurs.
Non seulement l’empreinte par personne est faible mais en valeur absolue cela correspond à 220 allers-retours Paris New York. On en compte 5000 par an rien que sur cette ligne et ailleurs, plus 40 millions de vols par an.
Certes, toutes émission de carbone liée au loisir peut être discutée, voir jugée superflue. Le mode de vie des Dubaiotes pose de problèmes bien plus graves avec leur moyenne par évaluée à 19,3T de GES par habitants (4ème position mondiale, derrière le Koweit, le Qatar et Bahrein : https://donnees.banquemondiale.org/indicator/EN.ATM.CO2E.PC?most_recent_value_desc=true
Pour Ski Dubai, l’empreinte carbone n’est pas le vrai problème. Cette attraction émet autant de carbone que le Louvre : https://api-www.louvre.fr/sites/default/files/2021-02/louvre-rapport-du-bilan-des-emissions-de-gaz-effet-de-serre-reglementaire-2014.pdf
Et sans doute 10 fois moins que Disneyland Paris (le chiffre est introuvable).
La fond du problème est ailleurs.
👊 La domination de la nature.
Dans la démesure de cet endroit, on assume la volonté de dominer la nature, de l’enchaîner, de la réduire. On retrouve l’idéologie immonde de Francis Bacon au XVème siècle : «La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs». Assigner des manchots papous dans une boite dans le désert pour que des touristes puissent se prendre en photo avec, au nom de l’absurdité de la puissance, c’est une folie. Cette idéologie ne se trouve aussi chez nous. Pourquoi faire venir des ours blancs dans une parc zoologique à Mulhouse, exactement comme on faisait venir dans le bois de Vincennes il y a encore 100 ans, les pygmées et les esclaves d’Afrique ?

💵 L’hubris de la consommation de masse
Ce n’est pas un hasard si cet « hubris » prend place dans un temple de la consommation. Chez les Grecs anciens, l’hubris était le mot pour la démesure et l’orgueil de l’humanité, la folie des grandeurs et la frénésie de plaisir. Toute prétention à une supériorité insolente devait entraîner une punition cruelle de la part des dieux immortels. C’était le thème principal de toute tragédie grecque.

⌛La négation du territoire
Un choix technique n’est jamais neutre parce qu’il agit sur le plan spatio-temporel: https://lnkd.in/ebmxzzXS.
Or la spiritualité se définit précisément comme la représentation consciente de l’espace et du temps.
Ici, la technologie et la spiritualité se rejoignent. Et le déséquilibre écologique naît d’un déséquilibre spirituel.
Est-ce un hasard si Dubai – avec les US et la Chine visent à modifier artificiellement le climat ?
Ski Dubai n’est pas un problème de carbone.
C’est notre manière d’habiter qui est en jeu et l’attention que nous portons au territoire.
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